Les ambassadeurs des pays membres de l'Union européenne à Bruxelles sont parvenus, le 29 janvier, à un accord pour prolonger le mandat de la mission d'observation du côté arménien de la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan de deux ans supplémentaires, jusqu'au 19 février 2027. Cette décision devrait être confirmée lors de la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE. En conséquence, la mission d'observation de l'UE dans la région est prolongée sans le consentement de Bakou ou d'autres pays de la région.
On peut prédire que l'approbation de cette décision par l'UE aura un impact négatif sur le processus de normalisation entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie et sur la structure globale de la sécurité dans le Caucase du Sud. Initialement, en octobre 2022, l'UE avait activement joué un rôle de médiateur dans les négociations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, et à ce moment-là, un accord avait été conclu pour déployer temporairement une mission de 40 membres de l'UE en Arménie pendant deux mois dans le cadre de l'accord de Prague. Cependant, bien que la mission ait achevé ses activités en décembre, fin janvier 2023, l’UE a décidé de déployer une mission d’observation le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sans le consentement de l’Azerbaïdjan.
Le président Ilham Aliyev a évoqué à plusieurs reprises cette question, soulignant la violation des accords initiaux. Dans son interview aux chaînes de télévision locales, il a déclaré : « ... Sans aucune notification ni notre consentement, ils ont non seulement prolongé cette mission, mais l'ont également élargie et ont même impliqué un pays qui n'est pas membre de l'Union européenne, sapant encore plus la confiance. Puis sont venues ces démonstrations honteuses avec des jumelles, où ils ont revêtu des équipements et des bottes semi-militaires, défilant comme s'ils étaient des combattants. »
Rappelons que la mission initiale de l'UE couvrant 40 personnes a commencé ses opérations à long terme le 20 février 2023, avec un effectif de 138 personnes, a ensuite augmenté son effectif à 209 en décembre 2023. Bien qu'il ne soit pas membre de l'UE, le Canada a rejoint cette mission d'observation.
En parlant la « démonstrations honteuses avec des jumelles », le chef de l’État azerbaïdjanais s'adresse aux soi-disant employés civils de la mission de surveillance de l’UE, qui patrouillent fréquemment la frontière avec l’Azerbaïdjan, observant ostensiblement les territoires azerbaïdjanais, les positions militaires et les zones résidentielles avec des jumelles. Un exemple frappant de cette « diplomatie binoculaire » s’est produit lorsque le général de brigade français William De Meyer de la gendarmerie nationale française a visité la frontière conditionnelle entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie le 2 février 2024, observant les territoires azerbaïdjanais avec des jumelles. Cela suggère que la France utilise la mission civile à des fins militaires et de renseignement.
Alors que l’UE a déclaré que l’objectif de la mission était d’observer la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, de préparer des rapports et de contribuer aux efforts de résolution du conflit, dans la pratique, la mission est largement utilisée à mauvais escient contre l’Azerbaïdjan et il est très probable que la mission fonctionne comme un réseau d’espionnage et de collecte de renseignements contre l’Azerbaïdjan, l’Iran voisin et la Russie. L’inclusion d’anciens militaires et officiers de renseignement de l’OTAN et d’autres pays européens dans la mission renforce cette probabilité.
Mais la prolongation du mandat de la Mission de d'observation de l'UE pour deux ans supplémentaires et la volonté de poursuivre les patrouilles le long de toute la frontière, y compris dans la direction du Nakhitchevan, jusqu'à ce que le processus de délimitation entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, qui pourrait prendre des années, montre que l'Union européenne a l'intention de s'implanter dans la région et de rendre sa présence permanente.
Plus important encore, si la mission d'observation de l'Union européenne, une force extérieure pour la région, est approuvée au niveau des ministres des Affaires étrangères pour rester dans la région jusqu'en 2027, cela portera un sérieux coup au processus de négociation de paix.
Ainsi, le 17 décembre, le président Ilham Aliyev, dans une interview avec Dmitry Kiselev, directeur général de l'agence de presse internationale Rossiya Segodnya, auteur et animateur de l'émission Vesti Nedeli sur la chaîne de télévision Rossiya-1, a déclaré que 15 des 17 articles du traité de paix entre Bakou et Erevan avaient été convenus. Le chef de l'Etat a souligné que l'un des deux articles qui n'avaient pas été approuvés concernait le non-déploiement de représentants d'autres pays à notre frontière.
« L’autre article concerne le non-déploiement de représentants d’autres pays à notre frontière. Pourquoi est-ce important pour nous ? Parce que, sous le couvert de soi-disant observateurs européens, une infrastructure de l’OTAN a été établie du côté arménien de la frontière. La question de l’envoi de ces observateurs a été convenue avec nous en octobre 2022 lors d’une réunion quadrilatérale entre le Premier ministre Pashinyan, le président du Conseil européen Charles Michel, le président de la France et moi-même. À cette époque, nous n’avions pas encore exclu la France du processus de normalisation. Il a été convenu que, pendant deux mois, un contingent limité de représentants de l’UE serait présent…
… Concrètement, des observateurs. Quarante personnes devaient être déployées pendant deux mois. Après cela, cette mission a été prolongée sans notre consentement, avec l’argument suivant : pourquoi devrions-nous accepter cela avec vous s’il s’agit d’une mission sur le territoire de l’Arménie ? Notre contre-argument était : pourquoi avez-vous été d’accord avec nous au départ ? C’est faux. Par la suite, le nombre d’observateurs a été porté à plus de 200 personnes. En outre, la mission s’est transformée en une mission de l’OTAN, avec l’adhésion de représentants du Canada. C’est donc le deuxième point sur lequel nous devons parvenir à un accord », a déclaré le président.
Ainsi, en prolongeant les activités de la Mission d’observation, les pays de l’UE auront délibérément sapé le processus de normalisation et prouvé que l’objectif principal de leur politique régionale n’est pas la paix et la stabilité, mais la déstabilisation et la militarisation. L’Arménie et Bruxelles savent bien que l’Azerbaïdjan a toujours adopté une position de principe, a satisfait à toutes ses demandes et conditions légitimes et n’a pas reculé. À cet égard, la prolongation du mandat de la Mission d’observation constituera un coup dur pour la signature d’un traité de paix par l’UE, qui est complètement exclue du processus de normalisation entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Mais nous ne devons pas oublier que les conséquences de ce coup dur et des machinations diplomatiques auront, tout d’abord, de graves conséquences pour l’Arménie.
L'Arménie doit enfin comprendre qu'elle a besoin de paix plus que de toute autre chose, accepter les conditions posées par l'Azerbaïdjan pour un accord de paix et s'opposer à la prolongation du mandat de la mission de surveillance de l'UE, autrement dit au déploiement de forces militaires étrangères à la frontière avec l'Azerbaïdjan. Il est clair que la mission de surveillance est devenue un outil de la guerre hybride de l'Occident, qu'elle n'a apporté aucune contribution à la stabilité à la frontière azerbaïdjano-arménienne et qu'elle est fondamentalement incapable de relever les défis que poseraient tout incident armé ou scénario de crise. Aujourd'hui, le principal bénéficiaire du calme à la frontière conditionnelle est Bakou. Dans cette situation, la seule mesure constructive que l'Union européenne puisse prendre pour soutenir le processus de paix serait de suspendre la mission et de quitter la région. L'Union européenne a encore une chance de contribuer à la paix et à la stabilité dans le Caucase du Sud.
Texte traduit par l'APA