L'agence de presse APA a interviewé le Dr Massamba Thioye, responsable de projet au Centre mondial d'innovation de la CCNUCC
- Quels sont les principaux points à retenir et les décisions de la COP29 qui façonneront l'agenda climatique mondial à l'avenir ?
- Deux décisions sont extrêmement importantes. Celle sur le financement climatique, car c'est ce qui permettra aux pays en développement de disposer des ressources financières nécessaires à la mise en œuvre de leur action climatique. La décision sur le marché du carbone, l'article 6.4, est ce qui permettra au marché du carbone de fonctionner. Et le marché du carbone est un instrument de politique internationale très important qui facilite la mise en œuvre des mesures d'atténuation.
- L'intégration de l'objectif climatique de 1,5 degré dans la politique internationale pour la première fois lors de la COP 29. Quels sont selon vous les principaux défis et opportunités pour atteindre cet objectif, et comment voyez-vous cet objectif façonner les futures actions climatiques ?
- Avoir un objectif de 1,5 degré dans un accord est une chose très importante. Ce n’est pas une nouveauté. C’était déjà dans l’Accord de Paris. Mais ce qui est nouveau ici, c’est que l’on met davantage l’accent sur cet objectif de 1,5 degré. C’est très important parce que cela facilite ce que j’appellerai l’approche visionnaire de l’action climatique, où nous partons de là où nous aimerions être, de l’avenir que nous aimerions construire pour les générations futures, et nous faisons une rétrospective et traduisons cet avenir en solutions innovantes, en actions climatiques qui doivent être entreprises pour construire cet avenir. Or, le problème est que cet exercice de rétrospective n’est pas facile à faire, et la plupart du temps, ce n’est pas ce qui guide l’élaboration de la contribution déterminée au niveau national des pays. Les pays ont l’habitude de fixer leur objectif en fonction de leur compréhension de ce qui est possible, mais pas en fonction de ce qui est nécessaire, pas en fonction de l’objectif de 1,5 degré.
– Pouvez-vous expliquer votre rôle et votre implication dans la COP-29 en tant qu’intervenant et participant, et son importance pour faire progresser les objectifs climatiques mondiaux ?
– Je dirige le UN Climate Change Global Innovation Hub, une initiative du Secrétaire général de la CCNUCC à la COP26 à Glasgow. Cela signifie donc que c'est une initiative qui existe depuis maintenant trois ans et dont la vision est principalement unique : comment pouvons-nous tirer parti de l'innovation pour servir le plus grand nombre, afin que personne ne soit laissé pour compte tout en maintenant les activités humaines dans les limites planétaires ? Lors de la COP, nous avons organisé ce que nous appelons le Dialogue mondial sur l'innovation de l'ONU sur le changement climatique, où nous avons invité l'écosystème autour de l'innovation, et nous les avons invités à interagir et à réfléchir aux solutions possibles qui permettront la transition climatique et durable. Plus de 50 sessions ont été organisées, et cela a été un succès, avec beaucoup de connaissances et de bons résultats à l'issue de ces sessions.
– Quel est le rôle des marchés émergents dans les pays en développement dans la lutte contre le changement climatique et la promotion de la durabilité ?
– Ils ont un rôle très important car c'est là que réside la majeure partie du potentiel d'action en matière de climat et de durabilité. Nous devons garder à l'esprit un aspect important. Ces pays sont les pays qui se développeront à l'avenir. Ce sont ces pays qui construiront la plupart des nouvelles infrastructures. Cela signifie donc que soit ils ont une trajectoire de développement alignée sur l’objectif climatique et de développement durable, et nous pouvons alors réaliser la transition climatique et durable à l’échelle mondiale, soit ils utilisent la trajectoire de développement du Nord global, et alors il n’y a aucun moyen d’atteindre l’objectif climatique et durable. Il y a donc des mesures qui sont immédiatement nécessaires dans ces pays. Ils doivent pouvoir accéder à la technologie numérique pour pouvoir faire un bond en avant et ne pas utiliser la trajectoire de développement du Nord global. Au lieu de construire des écoles, ils doivent être capables de développer un apprentissage virtuel suffisamment efficace pour remplacer les écoles. Au lieu de mettre en place partout de nouvelles infrastructures, ils doivent tirer parti de la technologie numérique pour éviter, autant que possible, de construire des infrastructures où le numérique peut efficacement remplacer les infrastructures physiques. Ce n’est que si nous réalisons ce changement radical en termes de développement dans les pays du Sud global, émergents et en développement, qu’il y a une chance de réaliser la transition climatique et durable.